La pelade, une pathologie invalidante qui toucherait plus de 80 000 personnes en France
Par Thomas Hanslik, Michel Cadilhac, Solen Kerneis, Alain Jacques Valleron, Antoine Flahault Inserm UMR-S 707, Université Pierre et Marie Curie, Paris
Article publié sur le site www.sentiweb.org dans le bulletin N° 2006-08 du 28 février 2006 et repris ici avec l'aimable autorisation du webmaster de ce site.
La pelade est une maladie d'origine probablement auto-immune, caractérisée par la chute des cheveux en plaques (alopecia areata)(1). Bien qu'habituellement limitée, la pelade peut se poursuivre jusqu'à la perte complète des cheveux (pelade décalvante) voire atteindre l'ensemble des zones pileuses (pelade universelle).
On ne dispose d'aucune estimation de la prévalence de la pelade en France. Nous avons réalisé une enquête avec les médecins généralistes du réseau Sentinelles, dans le but d'estimer la fréquence et les caractéristiques des patients amenés à consulter pour une pelade en France, la fréquence d'autres maladies auto-immunes associées ainsi que d'évaluer le retentissement sur la qualité de vie de ces patients(2). Il était demandé aux médecins de rapporter combien de leurs patients présentaient ou avaient présenté une pelade au cours de leur vie et de décrire le dernier patient ayant une pelade vu en consultation (âge, sexe, critères de retentissement sur la qualité de vie, pathologies associée, etc…).
Trois cent soixante quatorze médecins généralistes ont répondu à l'enquête (sur 720 contactés, soit un taux de participation de 52%). Une enquête complémentaire a montré que la proportion de patients atteints de pelade n'était pas significativement différente entre les groupes des médecins répondants et non répondants. Le nombre de patients atteints de pelade suivi par chaque médecin était en moyenne de 1,3 (IC95% : 1,2 - 1,4). Sachant qu'il y a en France environ 60 000 médecins généralistes en exercice, on peut ainsi estimer à 80 000 (IC95% : 70 000 - 85 000) le nombre de patients atteints de pelade consultant leur médecin généraliste en France, en faisant l'hypothèse de représentativité des répondants à cette enquête du réseau Sentinelles. L'âge moyen des patients des médecins généralistes était de 34 ans (de 2 à 94 ans), le sex-ratio de 1. Une maladie auto-immune était rapportée associée dans 8% des cas, il s'agissait de thyroïdite, vitiligo, diabète insulinodépendant, rhumatisme inflammatoire. Si on ne connaît pas exactement la prévalence de l'ensemble des maladies auto-immunes, elle est de l'ordre de 3% de la population US(3). L'altération de la qualité de vie occasionnée par la pelade était estimée par le médecin comme : majeure dans 18% des cas, modérée dans 59% ou absente dans 23%.
Cette enquête montre que la pelade n'est pas rare en France, et qu'elle est responsable d'une altération significative de la qualité de vie des patients. L'enquête confirme que chez ces patients atteints de pelade, d'autres maladies auto-immunes doivent être recherchées(4). Pour estimer avec plus de précision la prévalence de cette affection en France, il faudrait également interroger d'autres spécialités (les dermatologues notamment), en médecine libérale et en consultation hospitalière. En France, les associations de patients mentionnent régulièrement le peu d'implication du monde scientifique dans la recherche sur cette maladie fréquente et invalidante. Un registre est en cours d'élaboration aux USA (Alopecia Areata Study,http://www.mdanderson.org/departments/alopecia), ce qui devrait permettre de mieux aider à comprendre les déterminants génétiques et environnementaux de cette maladie frappant à tout âge et pouvant engendrer une détresse psychologique importante.
1. McDonagh AJ, Tazi-Ahnini R. Epidemiology and genetics of
alopecia areata. Clin Exp Dermatol 2002 ; 27 : 405-9.
2. Garcia-Hernandez MJ, Ruiz-Doblado S, Rodriguez-Pachardo
A et al. Alopecia areata, stress and psychiatric disorders : a review.
J Dermatol 1999 ; 26 : 625-32.
3. Cooper GS, Stroehla BC. The epidemiology of autoimmune
diseases. Autoimmunity Reviews 2003 ; 2 : 119-25)
4. MacDonald Hull SP, Wood ML, Hutchinson PE et al.
Guidelines for the management of alopecia areata. Brit J Dermatol
2003 ; 149 : 692-9.